Stage en Hopital de Jour Enfants



Stage Cirque 
en Hôpital de jour pour enfants 

Des émotions Intenses ! 








 Avez-vous deviné quel animal est-ce...?






Dis... tu m'aides ?
 

Des instants forts !


 On réfléchit ensemble...


 Puis on fonce !


C'est fini pour aujourd'hui.. Mais on reviendra c'est sur !

Cours Pitchou Seilhac janv 2016

Un petit tour chez les Pitchou de Seilhac ...










   On apprend à en jouer !    





Article Evolutions Psychomotrices





Article paru dans la revue professionnelle
 Evolution Psychomotrice de Mars 2015



Lorsque le chapiteau devient 
lieu des possibles

When the big top becomes place of possible




AUTEURS

JAULHAC Aurélie ; Psychomotricienne – Professeur des arts du cirque
MORIZOT Camille ; Psychomotricienne
CELLIER Elise ; Psychomotricienne
MEUNIER Octavie ; Etudiante en psychomotricité
DEBOS Claire ; Etudiante en psychomotricité
CARRON Sarah ; Etudiante en psychomotricité





Lorsque le chapiteau devient 
lieu des possibles

When the big top becomes place of possible

RESUME
La réflexion abordée dans cet article est celle du lien entre la psychomotricité et une médiation corporelle : les arts du cirque. Cet écrit présente la réalisation d’un projet construit dans le cadre de la formation en psychomotricité de sept étudiantes. Il s’est fait en partenariat avec un hôpital de jour accueillant des adultes schizophrènes. Il s’agissait de proposer à ces patients un atelier sous chapiteau leur permettant de découvrir cet art tout en vivant une expérience groupale et personnelle singulière.  La psychomotricité s’est trouvée au cœur de la préparation de ce projet mais aussi lors des séances. Les échanges avec ceux-ci nous ont confortés dans cette conviction que les arts du cirque peuvent être un excellent médiateur psychomoteur.
Mots clés
Médiation psychomotrice- Arts du cirque
Schizophrénie - Hôpital de jour
      Projet étudiant


SUMMUARY
The thoughts underlying this article are about the ties between psychomotricity and a form of bodily mediation: circus arts. This report sheds a light on a project set within the psychomotricity studies of seven students. This project was carried out in partnership with a day hospital specialised in the care of schizophrenic adults. We aimed at offering these patients a workshop underneath a big top and allowing them to discover circus arts while living a unique group and individual experience. Psychomotricity was at the centre of this project, not only for the preparations, but also for the sessions. The exchanges that took place between us and the patients have reinforced our conviction that circus arts can be an excellent mediator of psychomotricity.
Key words
Psychomotor mediation – Circus arts           
Schizophrenia – Day hospital           
Student project




Introduction
Les arts du cirque liés à la psychomotricité est encore un concept novateur qui présente pourtant de nombreux atouts. Notre souhait est donc ici d’exposer la conception et réalisation d’un projet qui peut être une base de réflexion sur ce domaine.


Repères sémiologiques concernant la schizophrénie

Cette pathologie touche 1% de la  population mondiale. Elle débute le plus souvent chez les jeunes adultes, entre 16 et 30 ans, et concerne autant les hommes que les femmes. L’étiologie est encore mal connue mais la schizophrénie serait le résultat de facteurs héréditaires et environnementaux. La décompensation peut être progressive avec une entrée à bas bruit ou bien brutale par bouffées délirantes.   
Les symptômes de la maladie étant multiples et d’intensité variable en fonction des personnes, on observe différentes expressions de la maladie.
D’une façon générale, le trouble entraine une altération des fonctions fondamentales qui permettent à chacun d’être conscient de son identité, unicité et autonomie. Les différents symptômes sont classés en trois catégories :           

  • Les symptômes dits « positifs » :
Ils sont les plus facilement repérables. Ils sont définis comme des distorsions fondamentales et caractéristiques de la pensée qui s’ajoutent aux perceptions habituelles (idées délirantes dont les sentiments de persécution,  les hallucinations).          

  • Les symptômes dits « négatifs » :
La sémiologie définie l’isolement, le retrait social et un certain désintérêt pour la vie affective. Le patient est confronté à des troubles psychomoteurs, alternant entre un manque d’énergie, une attitude figée et des crises d’agitation.    
Une perturbation des affects qui peuvent être inappropriés ou émoussés, avec difficultés de les identifier et les exprimer est observable.        
La permanence de ces symptômes négatifs caractérise le stade chronique.
  • Les troubles cognitifs :
La clarté de l’état de conscience et les capacités intellectuelles sont habituellement préservées, bien que certains déficits cognitifs puissent apparaître au cours de l’évolution.
Le patient peut être confronté à des difficultés de mémorisation, de concentration et de résolution de problèmes. Il peut y avoir  une incapacité à anticiper et à formuler une demande, une difficulté à passer de l’intention à l’action et plus généralement à faire des liens.
Alors que les éléments contingents et non significatifs d’un concept sont inhibés dans l’activité mentale normale, le sujet leur attribut une importance primordiale et les utilise à la place de ceux qui sont pertinents et appropriés à la situation. Ce comportement donne lieu à une situation vécue comme vague se traduisant par un discours incohérent, décousu, incompréhensible.

Présentation du projet

Le projet de proposer un atelier cirque à des personnes atteintes de schizophrénie est né dans l’esprit de deux étudiantes alors en deuxième année de formation de psychomotricité. L’une d’elles propose régulièrement ce type d’atelier avec différents publics, au sein d’une école de cirque de Versailles.       
La rencontre avec une psychomotricienne travaillant en hôpital de jour a permis d’amorcer ce projet. Il fût donc conçu dans le cadre d’un Projet Extra Académique associé à l’institut Supérieure de Rééducation Psychomotrice de Paris.
L’entière réalisation de ce projet s’est faite en partenariat avec l’école de cirque  Méli-Mélo (région parisienne), sous leur chapiteau.
Cet atelier s’est trouvé ouvert à plusieurs adultes schizophrènes stabilisés venant de l’hôpital de jour de Rambouillet (78).   

L’équipe fut complétée après présentation du projet par cinq autres étudiantes.
Deux membres de l’équipe se sont rendus à l’hôpital de jour pour présenter le projet lors d’une réunion soignants-soignés. Celui-ci s’inscrivît dans la vie de l’institution comme un groupe fermé se déroulant sur cinq séances. La présentation du projet a suscité autant de questions du coté des soignants que des patients. Au fil de la  présentation, des questions ont émergées sur les activités que nous allions proposer. Des patients s’inquiétaient de l’éventuelle présence de lions, de faire du funambule à plusieurs mètres de haut, du jonglage avec du feu…
Du matériel a été mis à disposition des patients (anneaux, massues, diabolo, balles), certains ont pris le temps de les manipuler, d’observer, d’autres s’empressaient de le faire passer. L’inquiétude générale quant au projet semblait alors s’être estompée. Le groupe de patients s’est donc formé peu à peu après cette visite.
Nous avons ainsi constaté que la pratique du cirque faisait naître de nombreuses représentations et fantasmes plus ou moins proches de la réalité.
Le projet s’est réalisé en trois étapes.

Première étape : Phase d’exploration

Nous avons commencé la phase d’exploration avec nos propres représentations fantasmatiques liées au cirque. Chacune avait en tête l’aspect magique du cirque, la difficulté technique pour atteindre ces performances, ou encore le côté inaccessible et spectaculaire de cette expression corporelle.
Nous avons donc cherché à s’imprégner de cet univers: grimper sur une boule, manipuler des objets de jonglerie, tenir en équilibre sur un fil, s’assoir sur un trapèze…

Nos objectifs étaient :           
- Vivre ces expériences afin de découvrir nos appétences et nos limites (corporelles et angoisses). Nous les avons partagées et discutées, ceci dans le but de pouvoir anticiper ce qui pourrait être ressenti par les patients.
-Travailler les outils de façon à les rendre accessibles et simples. Puis nous avons poussé l’aspect technique pour complexifier nos demandes selon les aptitudes des patients. Ceci a permis d’être aptes à proposer différentes approches de chaque agrès afin que chaque patient puisse parvenir à l’utiliser comme il lui convient.
Celles qui n’avaient jamais pratiqué de cirque ont orienté l’exploration vers un versant sensori-moteur, avec de nombreux temps accordés au toucher, à l’écoute, à la vue, à tous ces ressentis primaires avant même de pratiquer. Celles qui maîtrisaient plus les techniques circassiennes ont pu apporter un autre regard : réaliser des figures peut ne pas être compliqué et être accessible à tous. Nous avons découvert l’adaptabilité de cet art mais aussi l’exigence qu’il requiert si l’on veut exceller. L’accent a été mis sur l’aspect sécuritaire, qui représente un énorme versant de cette pratique. En effet, derrière l’aspect ludique du cirque, de nombreuses règles de sécurité sont à respecter pour éviter tout accident (parades humaines, aménagement des tapis, méthode d’utilisation du matériel). Nous avons donc appris les mouvements techniques de base de positionnement pour être plus efficace dans les parades.
Cette complémentarité des regards nous a permis d’avoir une approche globale de chaque outil de cirque, tant sensori-motrice que technique. Ceci nous a permis d’être à l’aise dans telle au telle technique (trapèze, boule, fil, jonglage), de pouvoir orienter nos propositions et être plus apte à transmettre ces nouvelles sensations. 


La venue de la psychomotricienne de l’hôpital de jour nous a permis d’orienter de façon précise la préparation des séances. Ayant plus de connaissances sur la pathologie ainsi que sur les participants eux-mêmes, nous avons pu adapter les exercices expérimentés au cours de notre exploration.
La question du cadre s’est ensuite posée, principalement en terme de sécurité morale et physique, tant pour les participants que pour nous, encadrants.
Concernant la sécurité physique l’accent a été mis sur les parades. En effet, l’accompagnement corporel d’une acrobatie ou d’un changement de position sur un trapèze, exige une connaissance des déplacements du corps de l’exécutant, une anticipation de ce qui peut arriver (déséquilibre, chute). Par conséquent le pareur doit maîtriser ainsi que la maîtrise des positions à adopter (placement du corps, des mains).   
Les consignes verbales ont également un rôle très important, en particulier auprès de personnes schizophrènes pour qui le contact physique n’est pas toujours accepté. Elles doivent être concises, claires et sans hésitation.           
Le fait de maîtriser les parades et l’accompagnement verbal a permis d’être rassurant auprès des patients hésitants, et a donc facilité leur engagement corporel.
Nous avons ensuite conçu l’aménagement spatial de façon à créer un cadre contenant. Notre choix fut d’organiser différents ateliers encadrés chacun par deux personnes compétentes dans la discipline. Ils furent visiblement délimités et aménagés.
La fatigabilité physique et attentionnelle des pratiquants nous a conduit à limiter la durée de ces ateliers à vingt minutes. Chaque groupe expérimente puis passe sur l’atelier suivant, les encadrants sont fixes afin d’être de plus en plus à l’aise avec l’outil (parades et consignes).
Concernant la sécurité psychique et morale, nous avons mis en place les ateliers en essayant d’anticiper les angoisses pouvant survenir (angoisse de chute sur le trapèze, de vide, de contact…). .
Le rythme de chacun est respecté, à tout moment une personne peut faire une pause pour s’isoler.
Le cadre ludique du chapiteau favorise grandement la proximité, nous avons donc opté pour le vouvoiement et le port d’un tee-shirt similaire afin de garder une certaine distance avec les patients et une reconnaissance du statut et place de chacun. La présence de la référente de l’hôpital de jour a facilité le lien entre leur groupe et le notre. La participation d’un autre soignant, plus extérieur au projet, permettait aux patients de partager leurs émotions avec une personne de confiance complice, ne donnant pas de consigne et évoluant avec eux.        



Durant chaque séance, l’une d’entre nous se plaçait en observation afin d’avoir une vision globale du groupe, observer chacun dans ses capacités et difficultés, avec plus de recul que le permet l’encadrement actif.
Dans la semaine qui suit chaque séance, la psychomotricienne réalise un débriefing avec les patients à l’hôpital de jour et participe à un autre avec notre équipe. Ceci afin d’analyser notre pratique, réadapter notre fonctionnement si besoin et préparer la séance suivante.
Notre objectif autour de cette réflexion sur les domaines physique et moral était de créer un cadre le plus sécurisant et contenant possible afin que chaque participant ait l’espace psychique et physique qui lui est nécessaire tout en se sentant soutenu et accompagné.       

Troisième étape : Les séances

Nous avons mené cinq séances s’appuyant chacune sur un thème et se déroulant toujours selon le même fil conducteur. Ce cadre est resté fixe comme un point de repère autant pour les patients que pour nous. De plus, pour chaque temps de pratique, nous constituions plusieurs groupes, des binômes ou trinômes, avec des ateliers séparés.
Ainsi, plusieurs techniques furent explorées au cours d'une même séance. Cela nous a donné la possibilité de s’adapter à chaque individu.
Nous avions sept patients adultes. Leur présence n’étant pas régulière, nous devions nous adapter au nombre de ceux-ci.
 Temps d'accueil              
Il fût primordial pour prendre contact, resituer le cadre, expliquer le déroulement de la séance et reparler des séances précédentes. Ce temps d'accueil était fait de façon ludique (jeux de présentation) laissant à chacun la possibilité de s'exprimer et de trouver sa place.
Temps d'échauffement   
Le temps d'échauffement permettait l'exploration de l'espace du chapiteau afin d'avoir des repères. Nous introduisions de façon détournée les objets en lien avec la technique du jour. C'était la première mise en mouvement du corps, l'occasion de prendre sa place dans l'espace et de se sentir appartenir à un groupe. De plus, nous laissions place à la prise d'initiative de chacun durant ce temps.
Temps de pratique « technique » 
Chaque début d'atelier commençait par une prise de contact et exploration du matériel. Cela permettait à chaque patient de détourner l'utilisation de l'objet à sa guise, afin de laisser place à l'initiative, l'imagination et à la recherche de son propre plaisir. L’approfondissement favorisait des apprentissages plus techniques.
Fin des séances  
Chaque patient pouvait, s'il le souhaitait, faire une petite démonstration de la pratique explorée. Nous avons également instauré un temps de retour au calme et de verbalisation en reconstituant le groupe.   
Nous proposions à chacun de prendre la parole pour mettre des mots sur leurs ressentis, ce qu'ils ont aimé ou non...
Pour finir, nous présentions les lignes directrices de la séance suivante, en suscitant leurs propositions. Ceci afin d’éveiller leur curiosité et leur imagination. 
Enfin, nous les sollicitions pour le rangement du chapiteau afin qu’ils investissent le lieu et le matériel, qu’ils soient acteurs jusqu’au bout de ces séances.           


Première séance 
Nous avons accueilli six patients. Dans l’optique d’une progression, nous avons centré cette première séance sur la jonglerie. En effet, ce médiateur permet d’entrer en relation facilement par l’échange d’objets, sans obligation de contact corporel. Les variations de distance sont fréquentes et modulables, ce qui permet à chacun de se placer à son aise.
Nous avons établi trois ateliers avec diverses médiations : les massues, les diabolos ainsi que les assiettes chinoises et les balles.      
 
Deuxième séance : Nous avons accueilli trois patients pour une séance centrée sur l'équilibre. Les ateliers étant la boule et le rola bola. Les aménagements spatiaux et matériels sont plus importants que lors de la première séance. Le contact physique est ici encore modéré. Seules les parades nécessitent un accompagnement proche de la personne.

Troisième séance : Nous avons accueilli cinq patients. Cette séance était de nouveau centrée sur l'équilibre avec pour médiations le trapèze, le fil de fer et la corde lisse. Les mesures de sécurité sont ici plus présentes, avec des installations de tapis et des parades humaines codifiées. Les exigences « techniques » du trapèze sont compensées par les instants de détente offerts par la corde lisse.

Quatrième séance : Nous avons accueilli six patients. Cette séance abordait les mouvements du corps sans utilisation d'objet, les ateliers étant l’acrobatie au sol et les portées acrobatiques. L’investissement corporel est ici global et la proximité avec l’autre beaucoup plus importante, (raisons pour lesquelles nous n’avons pas proposé ces médiations aux premières séances).

Cinquième séance : Nous avons accueilli quatre patients. Ayant accepté notre proposition de faire une représentation à la fin de la séance, ils ont choisi les techniques qu’ils préféraient : le trapèze, le fil, les acrobaties, le diabolo et le jonglage avec des balles, des foulards, et des anneaux !

Avec notre accompagnement, ils ont eu un temps de création des numéros, puis ont réalisé une démonstration. La composante spectacle, indéniablement liée au cirque, a fait naître beaucoup d’émotions, tant pour l’artiste sous les applaudissements du public, que pour le spectateur, découvrant les prouesses de son partenaire sur scène.
Ils mirent en scène des éléments de leur vie quotidienne ou bien des scénettes sans thème particulier. L’un d’entre eux a pu mettre en scène le réveil grâce aux acrobaties et déplacements au sol, moment de la journée qui s’avère être problématique pour lui. Tous firent preuve d’une certaine créativité en imaginant ces numéros seul ou en duo. Ce moment fut très valorisant pour nous tous.
Cette séance s'est clôturée par un pique-nique collectif dans le but de partager hors du contexte habituel,  et ponctuer la fin du projet.          


Ce projet n’avait pas de prétention thérapeutique, néanmoins, nous avons pu observer certaines évolutions chez les patients, grâce au cadre mis en place.
Tout d'abord, au niveau de l'aspect relationnel, le  projet a permis à certains de s'exprimer et échanger plus facilement avec les autres, ceci de façon verbale ou non verbale. Pour exemple, les mises en mot de fin de séance ont progressivement été plus étoffées et partagées. Les instants de démonstration se sont également faits plus fréquents au fil des séances.      
Une certaine relation de confiance s’est installée, le regard des autres semblait alors moins présent. Malgré une chute du rola bola, Chloé a su remonter sur la planche grâce à quelques aménagements ainsi que notre soutien. A cet instant, nous avons perçu une certaine fierté d’elle-même, instants que nous retrouvâmes ponctuellement lors des séances.

Malgré l’aspect ludique des arts du cirque, de nombreuses règles de sécurité sont à respecter. Cela oblige à tenir compte de la présence de l’autre, être attentif et respecter son engagement corporel. De cette même façon, les portés doivent être abordés avec précautions. Nous avons perçu une progression intéressante dans leur rapport au toucher. Certains ont même accepté de se faire entièrement porter par l’ensemble du groupe lors d’un temps de détente.           
Ces quelques heures sous chapiteau leur auront permis de faire abstraction de leurs difficultés, tout au moins de composer avec. Ils ont pu découvrir leurs compétences, leurs appétences, mais aussi leurs craintes et limites dans un cadre inhabituel, qui diffère de ce qui leur est quotidiennement proposé. Ils semblent avoir pu prendre leur place au sein du groupe, ressentir du plaisir, et se sentir actif lors des séances (parades, aide au rangement, prise d'initiatives...).



Analyse de la pratique grâce à quelques liens théoriques

La notion de proxémie          

Selon Hall, pour chaque individu, la considération de l’espace dépend de plusieurs domaines. Chaque  sujet à une perception sensorielle de son  espace qui lui est propre. Elle est liée à son équipement neurologique et physiologique de base. Cette distance sensorielle et sociale donne à chaque individu une appréhension particulière de l’espace aussi bien physique que psychique, la culture intervenant fortement dans ce rapport. Ce véritable langage corporel intervient et se module selon les relations humaines, notre vie émotionnelle et psycho-affective.
HALL considère 4 grandes distances sous le terme de proxémie :
-          la distance intime : sphère d’une quarantaine de centimètre
-          la distance personnelle: de 45cm à 125cm
-          la distance sociale: de 125cm à 300 cm
-          la distance publique : à partir de 700cm
En termes de distance, nous avons opté pour une progression au fil des séances. Nous avons débuté par une séance de jonglage, la distance personnelle n’étant pas pénétrée. Puis la proximité s’est accentuée lors de la pratique d’exercices tels que la boule d’équilibre, le trapèze ou le fil, ceux-ci nécessitant une parade et donc un contact corporel.
Certains patients ont pu s’appuyer corporellement sur les pareurs pour monter sur les agrès comme le rola-bola. Mais d’autres, comme Mathieu, nous disaient : « je n’ai pas d’espace pour monter sur la boule », « je n’ai pas besoin de pareurs ». Il était particulièrement gêné par notre présence. Il a fallu lui rappeler que pour sa sécurité la présence des pareurs était nécessaire. Si celle-ci lui était trop difficile, nous lui interdisions de monter debout sur la boule d’équilibre, mais l’autorisions à l’explorer autrement. Ses premières tentatives se sont faites en apnée, donnant le sentiment que nous lui prenions son espace vitale. En termes de proxémie, nous étions pour lui dans la distance  intime, ce qui semblait le perturber. Après plusieurs essais il accepta notre parade et paraissait moins gêné voire rassuré. Il semblait que la distance qui s’était installée entre lui débout sur la boule et nous lui convenait plus. Les manifestations neurovégétatives furent moins prégnantes, il respirait à nouveau. Une fois descendu, il a pu verbaliser : « je pensais que je pourrais gambader sur la boule dans le chapiteau, mais en fait c’est difficile ».
Dans notre pratique, il nous a fallu considérer cette notion d’espace propre à chaque individu et ainsi trouver un ajustement pour que la distance de chacun soit respectée,  tout en considérant les règles de sécurité. 

Le dialogue tonico-émotionnel                                 
Le tonus est la toile de fond qui soutient nos postures et nos mouvements. Il permet de maintenir l’équilibre et la statique et de soutenir le geste. Le tonus à également une fonction dans l’expression de nos émotions et la communication avec autrui, il s’agit d’une communication infra verbale. Cette communication existe dès les premiers instants de la vie entre l’enfant et son environnement.
Pour DE AJURIAGUERRA : « Le dialogue tonique est un prélude au dialogue verbal ultérieur et reste le langage principal de l'affectivité tout au long de la vie ».      
Pour WALLON : « Tonus et motricité participent à l'organisation relationnelle et donc émotionnelle. »
Lors de cette pratique, le tonus est constamment mis en jeu, qu’il soit de posture ou d’action. Nous avons donc mis en place différentes situations mettant en jeu le dialogue tonico-émotionnel. De nombreux temps ont nécessité un contact corporel direct (acrobaties, portés, parades), d’autres utilisait un objet tiers (bâton, tissu, balle). Dans tous les cas, notre objectif était de solliciter une écoute tonique réciproque, pour tenter de faire émerger une  adaptation à l’autre, ou simplement de jouer avec ces variations toniques.
Citons un exercice à deux où la consigne était de trouver le juste déséquilibre par l’intermédiaire d’un bâton en se penchant vers l’arrière. Un des binômes, ayant un rapport poids/taille similaire eu des difficultés à trouver son équilibre. Tous deux étaient très crispés, tirant fortement sur le bâton. Il leur a fallu plusieurs minutes pour accepter de quitter la position de verticalité. Nous les avons accompagné par un contact dorsal afin qu’ils prennent confiance et soient disponibles pour ressentir le transfert de poids de l’un à l’autre. Ces instants ont été fort émotionnellement et nous avons clairement perçu un décalage entre leur verbalisation de détente et ce que nous en percevions (rougeur de crispation au niveau du visage et des mains, transpiration, épaules hautes). Nous avons sollicité des modifications posturales dans un plan frontal, ceci a pour certains induit un relâchement alternatif des hémicorps droit et gauche.            
Au cours de ces séances, nous avons constaté que l’expression de la maladie pouvait interférer dans ce dialogue tonico-émotionnel et combien il est important de respecter le rythme propre à chaque individu.
Le groupe, une composante fondamentale dans la pratique de cet art       

« Les personnes se rencontrent avec toutes leurs forces et leurs faiblesses, pleines de spontanéité et de créativité. […] Plus un groupe artificiel dure, plus il se construit d’expériences communes, plus il ressemble a un groupe naturel. Il va y avoir un inconscient commun qui va s’exprimer dans la représentation des rôles et qui lie et identifie plus ou moins les membres d’un groupe. » MORENO.
Ainsi Moreno nous montre qu’un groupe, même s’il est créé de façon artificielle va pouvoir se créer une histoire commune, dans laquelle chacun trouvera sa place. Lors de la première séance, il s’agissait d’une rencontre avec le lieu et les différents membres du groupe. La présence des patients n’était pas régulière. Pourtant, à chaque nouvelle séance nous sentions que les expériences antérieures partagées étaient un élément clé pour lier le groupe. Les patients racontaient aux absents de la séance précédente ce qu’ils avaient fait. Chaque début de séance était rythmé par un exercice d’expression et de présentation afin de reformer le groupe avant de se séparer sur les différents ateliers. Petit à petit, les patients ont exprimé l’envie de voir ce que faisaient les autres dans les différents ateliers, ce qui nous a permis de proposer le temps de représentation à la dernière séance. Les patients se sentaient plus aptes à proposer sous les regards bienveillants.        
Jean-Marie est arrivé à la troisième séance. La première fût difficile, il était très tonique, son regard était fuyant et parlait avec beaucoup de détachement.  Lors de l’échauffement il ne pouvait pas suivre le rythme émit par le meneur et ne pouvait que difficilement mobiliser ses articulations (pour les épaules il mobilisait ses poignets). Corporellement il était très désorganisé. Le regard des autres était peu soutenable, il a finit par cesser tout mouvement et attendre. Il a été accompagné par la psychomotricienne tout au long de cette séance dans un contact plus individualisé. Lors des autres séances, il s’est intégré dans des petits groupes et a pu réaliser des exercices encadrés uniquement par les étudiantes. L’ensemble du groupe fut surpris lors de la démonstration. Il a proposé un numéro seul sur le fil tendu ainsi qu’une représentation avec Anne marie (une autre participante), sur le trapèze. Le groupe, qui semblait pour lui persécuteur au début, est devenu porteur. Jean-Marie a pu faire des propositions et exposer son corps en mouvement au travers de scénettes. Ceci face au groupe, ce qui nous semblait impensable lors de la première séance.
La notion de jeu et d’expression             

« Ce qui est naturel, c’est de jouer […]
 » selon WINNICOTT    
Le jeu est décrit par Winnicott comme une expérience créatrice. Qu’il soit « play » ou « playing » (jeux libre ou réglementé), le jeu favorise et nécessite l’existence  de confiance entre les différents partenaires. Il permet l’extériorisation de l’affectivité du sujet grâce à des situations individuelles, duelles ou groupales.        
La composante expression dans la pratique des arts du cirque est toujours présente et stimulée. Par des temps dédiés à cela, des jeux de rôle ou des jeux d’imitation, les patients ont au fil des séances pu investir cet espace et se mettre plus en scène. L’enveloppe psychique créée par le groupe grâce à l’observation, l’imitation et l’expression conjointe, a favorisé les interactions verbales et non-verbales,  et ainsi la cohésion du groupe.
L’appui des objets s’est trouvé être un bon étayage à la créativité pour certains qui ont ainsi pu imaginer une scénette (l’assiette chinoise, le diabolo et le foulard de jonglage symbolisant le couvert  pour dresser une table à l’autre bout du fil).


Conclusion
Ce projet, réalisé sur huit mois et n’ayant pas une volonté de s’inscrire dans une pensée thérapeutique, nous a néanmoins permis de constater que les arts du cirque permettent de mobiliser de nombreux items psychomoteurs. En effet le schéma corporel, le rythme, l’espace, ou le rapport à l’autre ont été autant d’axes fortement sollicités. De plus, l’aisance face au groupe constatée peut-elle être alors l’expression visible d’une revalorisation personnelle ? Sentiment créé par et pour soi-même ou transmis par les autres, la composante spectacle des arts du cirque ne permet pas ici de les dissocier.
Dans ce cadre, cette médiation s’est trouvée être un bon vecteur pour ces patients schizophrènes. Mais de par sa grande adaptabilité, il saura l’être pour d’autres publics. Selon les appétences et compétence de chaque professionnel, mais aussi selon l’approche psychomotrice proposée (rééducation, éducation, thérapeutique), il pourra s’inscrire aisément dans un cadre institutionnel.



Bibliographie

Boal, A. (1978). Jeu pour acteurs et non-acteurs. Paris. La découverte (2004)
Boscaini, F. (2007). Les émotions dans la relation psychomotrice, in Evolution psychomotrice n°77 Emotion et psychomotricité. Nouveau regard sur les troubles du développement et leur traitement. Paris
De Ajuriaguerra, J. (1974). Manuel de psychiatrie et de l’enfant et de l’adolescent. Paris. Masson (1980)
FFEC (Fédération Française des Ecoles de Cirque). Butten, H., et Durand, D. (2009), livrets de formation au Brevet d’Initiateur aux Arts du Cirque. Aire sur l’Adour
Goudard, P. et Barault, D. (2004). Médecine du cirque – vingt siècle après Galien (colloque du 21 novembre 2003). Vic la Gardiole. L’entretemps. Ecrits sur le sable.
Hall, E.T. (1971). La dimension cachée. Paris. Essais. Seuil.
Moreno, J-L. (2006). Psychothérapie du groupe et psychodrame. Paris. PUF
Villeneuve (1996). Pied, équilibre et posture. Frison-Roche. Broché
Winnicott, D.W. (2006). Jeu et réalité. Paris. Folio Essais